Lettre de Léo Marschutz à John Rewald

Dienstag 9ten Juli 57

Lieber John - beim Wiederlesen von Nietzsches Ecce Homo stosse auf folgendes – (unter : Also sprach Zarathustra : 5.)

“- Es giebt Etwas das ich die rancune des Grossen nenne : alles Grosse, ein Werk, eine That, wendet sich, einmal vollbracht, unverzüglich gegen den, der sie that. Ebendamit, dass er sie that, ist er nunmehr schwach, - er hält seine That nicht mehr aus, er sieht ihr nicht mehr in’s Gesicht. (....) Ein Andres ist die schauerliche Stille, die man um sich hört. Die Einsamkeit hat sieben Haeute, es geht nichts mehr hindurch. Man kommt zu Menschen, man begruesst Freunde : neue Oede, kein Blick gruesst mehr. Im besten Falle eine Art Revolte. Eine solche Revolte erfuhr ich, in sehr verschiednem Grade, aber fast von Jedermann, der mir nahe stand; es scheint, dass Nichts tiefer beleidigt als ploetzlich eine Distanz merken zu lassen, - die vornehmen Naturen, die nicht zu leben wissen, ohne zu verehren, sind selten. – Ein Drittes ist die absurde Reizbarkeit der Haut gegen kleine Stiche, eine Art Huelflosigkeit vor allem Kleinen. Diese scheint mir in der ungeheuren Verschwendung aller Defensiv-Kraefte bedingt, die jede schoepferische That, jede That aus dem Eigensten, Innersten, Untersten heraus zur Voraussetzung hat. Die kleinen Defensiv-Vermoegen sind damit gleichsam ausgehaengt; es fliesst ihnen keine Kraft mehr zu. – Ich wage noch anzudeuten, dass man schlechter verdaut, ungern sich bewegt, den Frostgefuehlen, auch dem Misstrauen allzu offen steht, - dem Misstrauen, das in vielen Faellen bloss ein aetiologischer Fehlgriff ist. In einem solchen Zustande empfand ich einmal die Naehe einer Kuhheerde, durch Wiederkehr milderer, menschenfreundlicherer Gedanken, noch bevor ich sie sah : das hat Waerme in sich....“ .

Ich schreibe Dir dies ab, weil mir dies recht gut den Zustand Cézannes zu beschreiben scheint und vor allem sein so oft „unbegreiflichen“ Verhalten wunderbar erklaert.

Allerherzlichst
Dein Leo

P.S Die Unterstreichungen sind im Text – und die Striche am Rand sind meine. Lettre de Léo Marschutz à John Rewald

Traduction en français

Mardi, le 9 juillet 57
Mon cher John - relisant l’« Ecce Homo » de Nietzsche, je tombe sur ce qui suit (sous : Ainsi parlait Zarathustra : 5) :

« …. Il existe ce que j’appelle la rancune de la grandeur : tout ce qui est grand, une œuvre, une action, se retourne immédiatement, une fois accomplie, contre celui qui en est l’auteur. Ce dernier est désormais affaibli du fait même qu’il est auteur, - il ne supporte plus son acte, incapable qu’il est de le regarder en face. (…) Autre chose est le silence terrifiant que l’on perçoit autour de soi. La solitude a sept peaux ; rien ne passe au travers. Se mêlant aux hommes, on salue les amis : nouveau désert, plus aucun regard ne salue. Tout au plus une forme de révolte. J’ai ressenti une telle révolte, à des degrés très divers, mais presque avec chaque personne qui m’a été proche ; rien n’est plus offensant, semble-t-il, qu’une marque soudaine de distance, - les natures nobles, qui ne savent vivre sans vénération, sont rares. – La troisième chose est l’absurde sensibilité de l’épiderme aux piques, une sorte d’embarras devant tout ce qui est infime. Elle me paraît déterminée par l’énorme gaspillage des forces défensives qui précède tout acte créateur, tout acte tirant son origine du plus personnel, du plus intime, du plus profond. Les petites capacités de défense sont ainsi en quelque sorte décrochées ; l’énergie ne remonte plus. J’ose encore évoquer les digestions plus difficiles, la répugnance aux déplacements, trop exposé qu’on est aux sensations de froid ainsi qu’à la méfiance, - la méfiance qui dans bien des cas n’est que méprise sur les causes. Dans une telle situation j’ai ressenti un jour la proximité d’un troupeau de vaches, par le retour de pensées plus amènes, plus humaines, avant même de les voir : voilà qui fait chaud au coeur…. »

Je t’envoi une copie de ce texte, car il me semble bien décrire l’état d’esprit de Cézanne et surtout parce qu’il explique magnifiquement son attitude si souvent « incompréhensible ».

Bien cordialement à toi
Léo

P.S. Les soulignements sont dans le texte – et les traits en marge sont de moi.

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