Vente des livres sur eBay
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Liste des livres :
- Carl Marschutz, père de Léo
- Léo Marchutz : Journal 1947-1960 (version en français ou en anglais)
- Léo Marchutz : Monographie (ouvrage bilingue français/anglais)
- Léo Marchutz : son amitié avec Henry Pearlman (version bilingue, français/anglais)
- Albert Châtelet : Von Nürnberg nach Aix-en-Provence (en langue allemande)
- Léo Marchutz : Regards sur Cézanne
- Léo Marchutz : Quelques amitiés
- Léo Marchutz : Croquis-dessins





Conférence du 14 juin 2023


La recherche cézannienne des années 30 à Château-Noir
Lionello Venturi, Fritz Novotny, Léo Marchutz et John Rewald.
Chronologie et témoignages

Le texte qui suit est le compte-rendu de la conférence que j’ai tenue au Tholonet, puis à Aix-en-Provence, en juin 2023 à l’initiative de la Mairie du Tholonet et de l’Institut Universitaire américain (IAU) d’Aix. Cette présentation est réalisée pour l’essentiel à partir des documents laissés par Léo Marchutz et ses amis. Il concerne la recherche cézannienne des années 30, qui s’est tenue à Châteaunoir autour de Léo Marchutz, résidant permanent en ce lieu depuis 1931.
En aucun cas il ne s’agit d’une analyse d’historien d’art du contenu des échanges, mais bien d’une chronique de ces années, accompagnée de témoignages des acteurs même de cette recherche ou de leurs proches. Autrement dit : une chronique augmentée de témoignages écrits.
Paris, août 2023, Antony Marschutz

Né à Nuremberg en 1903, Léo Marchutz, passionné par l’œuvre de Paul Cézanne, puis de Vincent Van Gogh, se rend pour la première fois en France en 1928.

Dans son livre « Léo and I and the Ghost of Cézanne. A memory of Art and Provence » (The Daedalus Gallery, Savannah, 2013), William Weyman, peintre américain, disciple et ami de Léo Marchutz, témoigne sur l’arrivée de Léo à Châteaunoir :
« Je suppose que je ne t'ai jamais raconté comment je suis venu pour la première fois à Aix et à Châteaunoir. (…) A Berlin, nous avons visité une exposition Cézanne chez Paul Cassirer, et là j'ai vu les peintures de Cézanne pour la première fois. Elles m'ont particulièrement impressionné. A peu près à la même époque, j'eus l'occasion de voir d'autres œuvres d'Impressionnistes, ainsi que celles de Van Gogh et de Gauguin. Ce fut le début de ma détermination d'étudier par mes propres moyens dans les musées.
Quelques années après, Anna Kraus et moi devînmes amis. Elle avait une galerie à Munich, et je lui rendais souvent visite ;(…) lors d'une de mes visites, je découvris qu'elle avait en sa possession une peinture merveilleuse de la montagne Sainte Victoire, aujourd'hui au musée de Cleveland. Tu peux imaginer ma surprise lorsqu'elle me proposa de m'amener en Provence, là ou Cézanne avait travaillé. Tout ceci sous condition de vendre la peinture.
Eh bien, elle l'a vendue, et visiblement avec une commission importante. Ainsi Anna et moi sommes partis pour l'Estaque, lieu où Cézanne réalisa ses merveilleuses peintures de paysages surplombant la ville et la baie de Marseille. (…) mais après peu de temps passé à l'Estaque, je me rendis compte que cette atmosphère industrielle ne me convenait pas ; (…) nous sommes donc partis pour Cassis.(…) et avons pris le tramway pour nous rendre à Aix. On était en 1928 et il y avait très peu de voitures, surtout des charrettes tirées par des chevaux et des taxis. Arrivés en ville, qu'ai-je vu ? Le cocher de Cézanne. Je l'ai reconnu, parce que j'avais vu une photographie de lui dans une revue d'art allemande. (…) Je parlais alors peu le français, mais je réussis à lui demander de nous emmener à un endroit où Cézanne avait peint, ainsi il nous emmena sur la Route du Tholonet, qui alors était en terre battue et très poussiéreuse.
Lorsque nous atteignîmes un tournant serré de la route, la montagne Sainte Victoire apparut soudain à l'horizon. Je ne pouvais me contenir : « Me voilà en pays connu ! ». La nature me fournissait l'image que je connaissais si bien de la peinture qui m'avait amené jusqu'ici.
Ce qui m'incita à quitter des yeux la montagne fut un jeune homme qui s'approchait sur un cheval blanc. Il s'arrêta brièvement pour saluer le cocher qu'il semblait bien connaître. Il portait un monocle et toucha son chapeau en signe de bienvenue avant de poursuivre sa route. (…)
Un peu plus loin sur la route nous tournâmes sur un petit chemin dans les bois conduisant à Châteaunoir. Nous savions que le cocher y avait souvent emmené Cézanne pour travailler. Je me souviens combien l'odeur des pins était forte alors. Il faisait très chaud et sec. On nous introduisit auprès de la propriétaire, Edith Vieil-Noë Tessier. (…) C'était une femme très agréable et une bonne sculptrice. Elle avait des œuvres au Louvre. Au cours de la conversation, elle mentionna qu'elle venait juste de terminer la rénovation d'un appartement au Château et elle nous demanda si nous étions intéressés. C'était la première fois que toute considération d'une installation à Aix entrait en ligne de compte dans mon esprit, mais immédiatement je me sentis intéressé, et même plus, lorsque nous vîmes l'appartement. D'après Mme Tessier, il était situé là ou Cézanne laissait son matériel. (…) Notre installation définitive date de 1931. Par une froide journée de décembre 1934, nous nous sommes mariés, Anna et moi, au Tholonet. C'était il y a presque trente ans. Difficile à croire. Par la suite, Anna et moi avons divorcé (mars 1939) et elle a épousé Konrad Wachsman, l’architecte germano-américain bien connu. Peu de temps après, Barbara Picton Warlow et moi nous sommes rencontrés au café des Deux Garçons. Nous nous sommes mariés en mars 40. Puis Anna et Tony sont nés au début de la guerre. C’étaient des moments difficiles. Mais c’est là une toute autre histoire.»

En 1928, lors de sa première visite en France, Léo rencontre, par l'intermédiaire du peintre américain, Marsden Hartley, qui vivait à Châteaunoir, le peintre et écrivain Erle Loran Johnson. Ces deux peintres américains séjournaient à Aix-en-Provence, car ils étaient passionnés par l'œuvre de Cézanne. Ils étaient les précurseurs.
Marsden Hartley (1877-1943) vint travailler à Châteaunoir au milieu des paysages cézanniens à la fin des années 20, laissant au fils de la propriétaire des lieux à son départ en 1929, quelques œuvres qu'il ne pouvait emporter et lui indiquant que, s'il ne revenait pas les chercher, il pourrait en disposer à sa guise. Décédé aux USA en 1943, Hartley n'est pas revenu en France et le propriétaire de Châteaunoir a pu disposer des œuvres, qui ont été rachetées dans les années 50 par le collectionneur américain, ami de Léo, Henry Pearlman, qui les a ensuite revendues aux Etats-Unis.
Erle Loran Johnson (1905-1999), peintre et historien d'art américain, vécut quelques années à Aix ; il retourne aux Etats-Unis en 1930. Il écrivit en 1943 un livre Les Compositions de Cézanne, dans lequel, notamment, il compare les tableaux du peintre à la photographie des motifs. Ce livre avait été précédé d'un article paru dans la revue Arts en 1932, dont Léo Marchutz et John Rewald avaient connaissance au moment de sa parution. Tout en critiquant cet article, considérant que les photos de Earl Loran avaient été modifiées pour mieux s’adapter aux œuvres de Cézanne, Léo et John l’ont pris en compte ; ils ont poursuivi le travail de reconnaissance des motifs dans les années 30 : cette comparaison était l’objet principal de la recherche de ces années.

Par ailleurs Léo avait rencontré, dans les années vingt, à Berlin, Karl Ernst Osthaus. Ce collectionneur et galeriste, qui avait rendu visite à Cézanne à Aix l’été 1906, quelques mois avant sa mort, avait indiqué à Léo que Cézanne affirmait : Je cherche à rendre la perspective par la couleur. Ce point est une des clés pour le travail de recherche du trio germanique (Léo Marchutz, Fritz Novotny et John Rewald) et un des points fondamentaux de leurs écrits de thèses : la perspective rendue par la couleur se substitue à la perspective scientifique.

Dans son livre « John Rewald, histoire de l’art et photographie » (L’échoppe, Paris, 2005), Alice Bellony, deuxième épouse de John Rewald, apporte son témoignage sur l’arrivée de John au Château Noir :
« Traversant Aix-en-Provence, sac au dos, au cours du printemps 1933, John Rewald rencontrera son destin. Comme dans certains opéras, il avait pris l’apparence d’un groupe de jeunes Allemands. (…) La rencontre se fit devant la fontaine moussue située au milieu du cours Mirabeau, où les jeunes gens se donnaient rendez-vous avant de regagner leur domicile. Le voyageur suivit avec enthousiasme ses nouvelles connaissances sur le chemin du Tholonet, jusqu’au Château Noir. (…) C’est précisément à cause de Cézanne que les peintres allemands, quatre ou cinq selon les moments, y vivaient. L’un d’eux, Léo Marchutz (1903-1976), le plus âgé, vouait une admiration sans borne au Maître d’Aix et sa passion contagieuse avait attiré quelques amis. Ils avaient fondé une sorte de petite « communauté hippie » avant l’heure et s’efforçaient de vivre en autarcie, cultivant des légumes, élevant poules et lapins en attendant les subsides irréguliers de leurs familles. (…)
La rencontre de Léo Marchutz allait tout décider. John fut vite gagné par l’admiration de son compagnon pour Cézanne ; il succomba sans retenue à la beauté primitive de Château Noir, à la lumineuse campagne aixoise, à l’intrigante beauté de la Montagne Sainte-Victoire qui se présentait parfois comme un triangle bleuté. S’il découvrit le monde de Cézanne grâce à l’enthousiasme de ses amis, il leur apportait en contrepartie un objet rare et précieux : un Leica, l’appareil photo le plus perfectionné de l’époque, ignoré de la plupart des peintres du groupe. (…)
Réceptif et plein d’énergie, John parcourut avec Léo Marchutz – qui connaissait étonnamment bien l’œuvre de Cézanne – le parc de Château Noir et ses environs, proches et lointains. Ensemble ils retrouvaient les motifs du maître, les rouges carrières de Bibémus, se promenaient à Bellevue, grimpaient jusqu’au barrage Zola, ou encore longeaient les bords de l’Arc, non loin du Jas de Bouffan, demeure de la famille de l’artiste. (…) L’été terminé, c’est un homme différent qui regagnait Paris. Adieu les cathédrales… John avait trouvé pendant ce séjour aixois une passion, une vocation, une patrie. Le jeune homme avait quitté la sienne, l’Allemagne, au début de 1932, au moment où les persécutions nazies se précisaient. » (…)

Dans un article, « Les derniers motifs à Aix », écrit pour le catalogue de l’exposition Cézanne, les Dernières Années (1895-1906), qui s’est tenue à Paris au Grand Palais d’avril à juillet 1978, John Rewald se remémore :
« Je suis allé pour la première fois à Aix à la fin du printemps 1933 et j’y ai rencontré le peintre Léo Marchutz, qui habitait Château-Noir depuis plusieurs années. Il possédait un exemplaire de la revue Arts daté d’avril 1930, qui contenait un article d’Erle Loran [Johnson] sur le pays de Cézanne (Cézanne’s Country), où figuraient les premières photographies des motifs peints par l’artiste. Marchutz avait identifié de lui-même un certain nombre de sites, notamment ceux de Château-Noir et des environs. Il me demanda d’en prendre des photographies avec le Leica que je venais d’acquérir. Bientôt je m’installai à Château-Noir et nous entreprîmes une chasse systématique de tous les motifs cézanniens dans la région, à Aix, à l’Estaque, à Gardanne. Nous utilisions généralement des bicyclettes que nous devions souvent pousser, par une chaleur suffocante, car Cézanne aimait travailler dans des endroits élevés. Les télés-objectifs n’étaient guère puissants à l’époque et les pellicules en couleurs n’existaient pas dans le commerce. Sur nombre de mes photos, la masse de la montagne Sainte-Victoire paraît trop petite par rapport aux premiers plans. Nous eûmes de très grandes difficultés avec la carrière de Bibémus, où, semble-t-il, on avait travaillé après que Cézanne fut venu y peindre. Nous pouvions y retrouver encore certains motifs, mais il nous fut impossible de nous placer à l’endroit exact, d’où Cézanne les avait représentés (nous avions décidé pourtant de ne pas retoucher les photographies, comme Erle Loran l’avait parfois fait pour mieux les accorder aux paysages de Cézanne). Depuis la seconde guerre mondiale, la carrière a de nouveau été exploitée et les motifs de Cézanne ont été littéralement démolis.
Jusqu’en 1939, j’ai passé chaque année plusieurs mois à Aix, résidant à Château-Noir, et parcourant la région avec Léo Marchutz. J’y venais non seulement en été, mais aussi au printemps avant que les feuilles des châtaigniers au Jas de Bouffan ne cachent une partie des paysages qu’avait peints Cézanne. Les pins et les cyprès, heureusement, ne changent pas avec les saisons. Nous nous levions parfois dès l’aube et, pendant que Marchutz faisait le guet et jugeait les résultats, je grimpais dans les arbres pour élaguer quelques branches dans la forêt de Château-Noir – malgré la défense formelle du propriétaire – afin de dégager des sites envahis ou de libérer la vue des bâtiments qu’elles obstruaient (depuis lors la nature a repris ses droits). (…)
Lionello Venturi, qui préparait alors le catalogue raisonné de l’œuvre de Cézanne – publié en 1936 – nous prêtait des photographies d’œuvres peu connues ou inédites pour que nous tentions de les identifier. En contrepartie, nous lui communiquions les désignations exactes de lieux chaque fois que cela était possible.
En 1937, nous avons communiqué à notre ami Fritz Novotny une liste de tous les motifs identifiés qu’il a publiée dans son livre « Cézanne und das Ende der wissenschaftlichen Perspektive (Vienne, Scholl, 1938) - (Cézanne et la fin de la perspective scientifique).
Après la guerre, à partir de 1947, je suis retourné tous les ans à Aix. Dans l’intervalle Marchutz s’était installé dans la Maison Maria (dans le parc de Château-Noir), mais nous avons dû renoncer à retrouver d’autres motifs. Les choses changeaient vite, les incendies de forêt dévastaient certains sites, les constructions neuves en défiguraient d’autres. (…)
Léo Marchutz est mort à Aix en janvier 1976, à l’âge de soixante-treize ans. Nous l’avons enterré à la campagne, dans le cimetière du Tholonet, en vue de la montagne Sainte-Victoire. C’est à lui que je dois ma ferveur pour Cézanne.
John Rewald

Ainsi à partir de l’été de 1933, avec l'œuvre de Cézanne pour objet, une intense collaboration s’est établie entre le peintre et l'historien, auquel s'est vite adjoint un autre historien d'art d’origine autrichienne, spécialiste du peintre aixois, Fritz Novotny, enseignant à l'Université de Vienne.
Cette collaboration naissante se fondera sur les nombreux documents possédés par l'historien d'art Lionello Venturi (1885-1961), auteur du premier Catalogue Raisonné des peintures de Cézanne (Paul Rosenberg, Paris, 1936). Léo Marchutz avait rencontré Venturi pour la première fois en 1934 à l’occasion de sa visite à Château Noir. Fils de l’historien d’art, Adolfo Venturi, Lionello est l'un des 12 universitaires qui, en 1931, refusèrent de prêter serment de fidélité au régime fasciste de Mussolini, perdant ainsi immédiatement leurs chaires professorales. Il s’exila alors en France, à Paris, où il vivra jusqu'en 1939 ; il émigra par la suite à New York pour la durée de la guerre. En 1945, réhabilité, il rentre à Rome, où il reprend l'enseignement universitaire jusqu'en 1955. Pendant toute cette période, il donne d’innombrables conférences et cours dans les Universités de Paris, Londres, Cambridge, mais aussi aux États-Unis, où il se rend au moins deux fois avant son émigration dans ce pays.
Parmi ses nombreuses publications figurent notamment Giorgione et le Giorgionisme
(1913), la Critique et l'Art de Léonard de Vinci (1919), Le Goût des Primitifs (1926), l’Histoire de la Critique d'Art (1936), Pour Comprendre la Peinture, de Giotto à Chagall (1950) et de nombreux essais sur Le Caravage, Modigliani, Cézanne, les Impressionnistes français : Rouault, Chagall, Severini, etc…
Il possédait de plus une importante documentation sur Cézanne, car il avait entrepris de publier le Catalogue Raisonné des peintures du maître d’Aix. Cet ouvrage, avec l’aide de l’éditeur Paul Rosenberg, paraîtra à Paris en 1936.

Dès le 9 mai 1934, Léo Marchutz indique à John Rewald, débutant alors en matière cézannienne, comment il conçoit leur collaboration et leur travail de recherche : « …Or je tiens à vous rappeler ce qui m’a à l’origine amené à la recherche des motifs : il s’agissait du plaisir de la découverte pour moi inhérente à la vision commune de la photo du tableau de Cézanne (à défaut de l’original) et du motif. (…) En vous occupant de ce matériau, vous êtes parvenu, ce qui se comprend, à mûrir l’idée de travailler vous-même sur Cézanne et si possible de publier une série de ces photos et motifs, avec l’idée, certes exacte, que cela susciterait quelque intérêt. (…)
Puis quelques jours plus tard, le 11 mai 1934, Léo ajoute : « …Il faut étudier de plus près les compositions de Cézanne, si possible collectionner des reproductions ou réaliser des calques et ensuite tenter de trouver les modèles aussi bien pour les figures isolées que pour les groupes. Cézanne n’ayant que rarement travaillé d’après modèles et sachant que, par exemple, la figure masculine souvent représentée debout et de dos est redevable à Signorelli (Cézanne possédait dans son atelier une reproduction d’un dessin berlinois de Signorelli), on devrait identifier les modèles de nombreuses figures que ce soit chez Poussin, Tintoret, Signorelli ou n’importe qui d’autre. (…)
Concernant la relation avec Venturi dans cette même lettre : « …Une idée me vient soudain, que je souhaite bien vous soumettre, même si au premier abord elle vous paraîtra absurde. Je ne sais si le plus opportun ne serait pas de vous mettre à disposition de Venturi, en trouvant un accord avec lui qui vous engage à réaliser les recherches d’identification de tableaux et tout ce qui va avec. (…) Vous ferez connaissance avec tous les Cézanne identifiés, en premier lieu également avec les compositions. L’histoire de l’art, pour laquelle vous écrivez en fin de compte votre thèse, vous sera plus reconnaissante, si vous identifiez les modèles des compositions cézanniennes parvenant peut-être même à prouver que toutes les compositions sont pour ainsi dire des fantaisies à partir d’œuvres d’art. (…)

Cette collaboration donna lieu à une intense correspondance croisée entre 1933 et 1939, collaboration seulement interrompue par la guerre. L'outil fondamental dans ce travail de recherche était un appareil de photo Leica - objet rare et extrêmement coûteux - acheté par le père de John Rewald et qui servit à photographier les motifs. Les photos ainsi prises étaient envoyées à Fritz Novotny, qui en réalisait une copie et renvoyait l'original. La liste complète des motifs ainsi identifiés est publiée en annexe de la thèse de Novotny, parue en 1938 ; dans la préface de l’ouvrage, Novotny résume le contenu de la manière suivante :
« Dans cet essai deux problèmes sont discutée dans une étude conjointe. La première partie traite de la conception spatiale dans les peintures de paysages de Cézanne. Dans la deuxième partie, la tentative est faite de rapprocher les formes de démantèlement de la perspective scientifique telles qu’elles apparaissent chez Cézanne sous une forme qui a d’importante conséquences en termes de développement historique, pour le comparer, dans une courte et sommaire rétrospective, avec les phénomènes analogues que l’on peut retrouver dans les périodes antérieures de la peinture représentative, c’est à dire depuis l’art du Titien. »
Il précise l’apport du couple Marchutz/Rewald :
« Je dois remercier tout particulièrement MM. Léo Marchutz et John Rewald, sans la collaboration desquels cette étude n'aurait pas été possible dans sa forme actuelle. Le nombre majoritairement élevé de motifs paysagers de Cézanne, qui sont donnés dans la liste en annexe, ont été identifiés par Léo Marchutz et John Rewald et photographiés pour les besoins de ce travail. Je leur suis non seulement redevable de cette aide, mais aussi d'un large éventail d'informations objectives et de suggestions, notamment lors de notre commune contemplation des tableaux des paysages de Provence et du Nord de la France. Certains des motifs ont déjà été publiés par John Rewald et Léo Marchutz sous forme de comparaisons entre photographies et tableaux, d’autres sont publiés ici pour la première fois et la totalité des motifs identifiés jusqu'à présent a été compilée dans la liste jointe.»

Par ailleurs, constatant que dans aucun de ses paysages Cézanne n’affiche une présence humaine, (contrairement à Van Gogh), Novotny introduit le concept de Außermenschlichkeit qu’il va abondamment commenter dans tous ses écrits. Außermenschlichkeit qu’il convient de traduire, plutôt que par deshumanisation, par exclusion de la représentation de la figure humaine.

Dans un premier temps, ces recherches et comparaisons aboutirent à la publication par Rewald et Marchutz de trois articles :

-Cézanne au Château Noir, L'Amour de l'Art, Paris,1934

-Le Jas de Bouffan, en langue allemande, paru dans la revue Forum IX, Berlin, 1935

-Cézanne et la Provence, le Point, Paris,1936

Puis ces échanges furent déterminants pour la réalisation des deux thèses soutenues par les historiens d'art :
- John Rewald avec sa thèse de doctorat en Sorbonne, Cézanne, sa vie, son œuvre, son amitié pour Zola, 1936, Editions Sedrowski, réédité chez Albin Michel en 1950.
- Fritz Novotny, Cézanne und das Ende der wissenschaflichen Perspektive (Cézanne et la fin de la perspective scientifique), thèse soutenue à l'Université de Vienne en 1936, puis publiée chez Scholl en 1938.

En septembre 1939, puis à nouveau en mai 1940, par décret de l’état français, tous les ressortissants allemands et autrichiens sont considérés comme ennemis de la France et ont obligation de rejoindre les camps d’internement de réfugiés. Ainsi les ressortissants allemands et autrichiens sont condamnés à la dispersion dans des camps de réfugiés. Marchutz se rendra au Camp des Milles, près d’Aix-en-Provence, pour y être interné. Il s’était engagé dès la fin de 1939 en tant que prestataire, c’est-à-dire dans un corps d’étrangers créé par l’état français combattant au côté des Alliés. Vu l’état de débandade des autorités, notamment militaires, de la Troisième République agonisante, Léo sera libéré de ses obligations militaires et autorisé à rentrer chez lui, car sa fille Anna venait de naître et son élevage de volailles était considéré comme d’intérêt national. De retour à Châteaunoir en octobre 1940, il est contraint de se cacher pendant près de 4 ans, dormant dans un poulailler emménagé en conséquence ou dans les grottes au-dessus de Châteaunoir, afin de ne pas être arrêté et déporté. Le recherchant, la police de Vichy est venue à plusieurs reprises à Châteaunoir : notre mère, britannique disposant d’une fausse carte d’identité française, le protégeait… et comme il a toujours indiqué : « j’ai eu beaucoup de chance ». (…)

John Rewald est d’abord interné dans un camp à Vierzon ; il réussira, avec l’aide d’un diplomate français qui connaissait son travail et de Varian Frey, à être libéré, se rendra à Aix et, de là, émigrera aux Etats-Unis. Par la suite, il sera soutenu par Alfred Barr, le directeur du Musée d’Art Moderne de la Ville de New York (MoMa), qui financera ses premiers travaux de recherche. Rewald s’installera définitivement dans ce pays et y mènera par la suite l’ensemble de sa carrière de chercheur et d’historien d’art.

Bibliographie

LÉO MARCHUTZ
Monographie bilingue, 100 illustrations d’œuvres
Livre de 256 pages
Editions Imbernon, Marseille, janvier 2006.

ALICE BELLONY
John Rewald, histoire de l’art et photographie
L’Échoppe, Paris, 2005.

WILLIAM WEYMAN
Leo and I and the Ghost of Cézanne
A Memory of Art and Provence
The Daedalus Gallery, Savanah USA, 2013.







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From Stone to Paper
Leo Marchutz and Lithography
A three-part lecture at the Institute for American Universities / American College of the Mediterranean
BETWEEN 1947 AND 1964, Leo Marchutz's sole means of artistic expression was lithography. During this 17 year period, he created over 700 unique lithographic editions. They represent the core and the largest part of his oeuvre. They also reflect his many innovations with regard to printmaking practice, which he lifted to a very high artistic level.
Learn more about Leo Marchutz and lithography during this three-part conference. Antony Marschutz, son of the artist, will present the publication of the first part of his father’s diary (1947-1960), a period of intense creative activity devoted to the art of lithography. Denise Lemoine, Project Manager of the Marchutz Catalogue Raisonné, will share recent discoveries and present a selection of recently-commissioned photographs of Marchutz's motifs in the streets of Aix, paired with the lithographs they inspired. Film director James Ruffato will reveal the focus of his forthcoming documentary film on Leo Marchutz and Lithography.
Tuesday July 5, 2022* – 6:30pm
2 bis, rue du Bon Pasteur
*Date subject to change to Wednesday July 6th - to be confirmed end of May








Journées du patrimoine Aix-en-Provence 2021





Saint-Marc Jaumegarde

Le Tholonet




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